Quand faut y aller, faut y aller !

Au début, elle avait refusé. S'était insurgée, débattue même, contre cet était de fait horriblement réel. Et c'était un "non" franc et massif qui s'était échappé de la frêle gorge de l'enfante, tandis que maugréant contre la traitresse Anastriana, elle l'avait maudite sur trois générations.
Et puis, à sa parole donnée s'étaient ajoutés l'aval de sa famille, la pression même de sa grand mère, et l'inévitable résignation : aux arguments énoncés les uns après les autres, aux menaces, aux manœuvres perfides et allusions du même acabit, elle avait fini par céder : elle irait.
Finalement, c'est avec un visage morne et triste, qui perdait sa gaieté au fur et à mesure qu'elle avançait vers son échaffaud, que l'Hermine arriva. Dépitée, contrastant étrangement avec l'agitation qui avait gagné l'habitacle de bois, sitôt que le carrosse s'était enfoncé dans le domaine.

Oh, vot'supremissime damoiselle, vous avez vu comme c'est joliment avancé ?
J'aime pas les jolis agencements. J'aime pas Trécesson. Je veux rentrer.
Et ces oiseaux, là ? Il n'y a pas d'oiseaux d'une telle sorte en Rohannais, si je ne m'ab...
Parle moi encore d'oiseau, et je te cloue le bec.
Oooh, regardez le superbe château !
Ils ont des douves ? Ce serait drôle de voir s'il flotte...

Animée par un humour sans limite, d'une divine et subtile ironie, la môme resta au chaud, pendant qu'une de ses accompagnatrices bravait le froid pour se présenter au garde. De la porte embuée, de la vitre qu'une main gantée essuyait un peu, une voix fluette se fit entendre.
Dis leur de prévenir le bourreau que sa prisonnière est arrivée. Il devrait comprendre, je suppose.

Traduisant la phrase si joliment énoncée par sa maîtresse, la domestique se contenta de dire, d'un air amusé : Prévenez sa Grâce de l'arrivée de son invitée.

Du fait d'une introduction, c'est surtout manu militari que l'innocente est glissée dans l'antre du lion. Il sort les dents, prémisse sans doute d'un sourire dont l'échec est flagrant. Du reste, s'il voulait détendre l'atmosphère... C'est loupé. Elle hurle, râle, crie, soupire, se lamente, et désespère que la soirée se termine. Tout ça mentalement, bien sûr. Et sans le laisser paraître.
Elle ne lui fera pas l'affront de ne pas répondre à son sourire. Ça ferait tâche. Hypocrites au possible, les lèvres s'entrouvrent sur un ourlet charmeur, tandis que sa silhouette ploie dans une révérence toute protocolaire. Angle d'inclinaison parfait, les boucles blondes s'écartent juste ce qu'il faut.
Votre Grâce... P'tit con ! Prétentieux ! Orgueilleux ! J'te préviens, ça va pas durer. Après l'entrée, je-me-casse. Na !
Elle se redresse, fière et hautaine. Désigne l'échiquier d'un air las et à peine intéressé. Les synapses s'allument, clic cérébral. Elle aime jouer. S'impose, donc.

Tendant une main pour qu'il la baise, elle s'installe sur le fauteuil en face de lui. Deux ennemis jurés, qui partagent un espace commun, réduit, et propice à une bataille féroce. Que le meilleur gagne !
Déjà, les opalines se posent sur les dalles noires et blanches. Sourire amusé, en direction de la Reyne perdue... C'était couru d'avance.

Vous relevez le défi ?

Ici et ailleurs à la fois, un peu partout, comme à son habitude, le fantôme d'Amalric fouinait.
Alors qu'il espionnait gentiment à droite et à gauche, il faillit s'étrangler en apercevant cette espèce de chose difforme qui était dans la même pièce que son indigne de petit fils, enfin bon, il était déjà mort, alors bon ... Ho ho ho, humour fantomatique !

Hésitant un instant sur lequel des deux il tuerait en premier, il se contenta pour l'heure de se glisser au plus près des deux morveux.

Qu'est ce qu'elle fait ici cette grue au sang indigne ?
Tu voulais rajouter du cachet au château ? c'est vrai qu'une jeune vierge emmurée vivante, c'est forcément tentant, mais bon, on a déjà assez de fantômes ici.

Bon tu me fais le plaisir de la foutre dehors en vitesse avant que je ne sois obligé de le faire.

Il y a des courants d'air, dans votre (bicoque ? baraque ? maisonnée ?)... château.
Le constat est sans appel. Du reste, il lui semble tout à fait entendre le vent geindre dans les couloirs. Elle le sent presque, envahir la pièce de sa présence glaciale et perfide. Qui sait ? C'est peut être une manière détournée d'inciter à un rapprochement plus direct. Il aura fait ouvrir une fenêtre, aéré les étages, pour refroidir l'atmosphère et espéré une quête chaleureuse de Gwenn. Quoique le plus fort blizzard ne forcerait pas la môme à gagner les bras de son tortionnaire.
Et elle ne sait pas pourquoi, mais à cet instant, un éclair de réminiscence traverse son esprit blond : "On doit toujours obéir à ses aînés". Si seulement il pouvait s'en souvenir...

Ainsi c'est moi l'agresseur. D'un main que je veux sensuelle, je caresse ma Reine. Et puis je sort mon cavalier.
C'est à vous.

Pendant qu'elle réfléchit, d'un geste j'appelle un valet et lui demande à boire. Quelques minutes après la sortie du valet, on entend frapper. Je sonne pour appeler un domestique quelconque, mais il y a personne. Il faudra songer à doubler le personnel en permanence.
Excusez moi, demoiselle.

Et, c'est une première, le Duc de Brocéliande va ouvrir la porte. Je vous laisse imaginer son humeur.

J'ouvre de grands yeux ronds en apprenant cette nouvelle. Après un instant de silence, j'explose:
Mais qu'est-ce que vous attendez pour me donner des détails ! Qui ? Où précisément ? Combien ? Pourquoi ? Comment le savez-vous ?

Hum... Il sait jouer. Elle s'attendait, amusée, à ce qu'il fasse avancer un à un tous ses petits pions, et qu'elle se délecte de sa chute rapide. Mais voilà, les bases lui sont acquises, et c'est pour la môme Walsh une cruelle déception. Elle tente de se concentrer, scrute le damier noir avec une envie indicible de le vaincre. Mais impossible d'élaborer stratégie un tant soit peu alléchante, s'il continue à tripoter sa Reyne de cette façon.
Il faut croire, songe t'elle, qu'il prend habitude de caresser tout ce qui porte une couronne...
Mais las de ses réflexions, elle se contente d'avancer l'un de ses pions, d'une minuscule case, pérégrination décisive car lui permettant de réfléchir à une issue de secours.
la fenêtre ? Trop haut. La porte ? Trop peu discret.
Mais c'est là que survint un domestique, qui sans le savoir sort la jeune fille d'une impasse fort contrariante.
Il respire l'animosité à son égard. Et bien que peu dotée d'intelligence, car c'est une femme, elle saisit sans trop d'efforts la provenance du malheureux valet. Elle lui donnerait bien, par charité, un petit pactole pour ses frais psychologiques, car travailler au bon plaisir de l'héritière Brignac ne doit pas être de tout repos ; mais respectant, et estimant la jeunette brune, elle se garde bien de relever quoi que ce soit.
Elle note, avec une bonne humeur intransigeante, qu'il lui manque cependant de respect. Ce n'est pas à Rohan que les domestiques se permettraient une telle outrecuidance envers les invités de leur Seigneur, c'est évident. Opinion renforcée quant à l'incapacité du brocéliande que de se faire obéir, et déception, aussi, que ce ne soit sa donzelle en personne qui n'ait traversé la porte. Il aurait été bien plus simple de lui fausser compagnie, et de les laisser tous deux converser sur les Roys, les Reynes, et s'occuper du repeuplement de la Bretagne.

Elle allait répondre. S'indigner, faussement, que d'accaparer l'attention du maistre des lieux pendant tel danger, et s'éclipser lentement vers coin plus tranquille. Retrouver ses suivantes, et savourer leur présence bien moins risquée.
Mais avant d'avoir pu finir sa phrase, elle n'a le temps seul que de prononcer quelques formules d'usage... Déjà il s'emporte, supplante à sa voix douceâtre et enjôleuse un ton bien moins plaisant. Mais bien plus naturel... Et donc agréable. Elle n'aurait imaginé pu croiser, une seule fois, once de vérité dans la voix princière. Force est d'admettre qu'elle s'est trompée, car dès lors qu'il hausse la voix, bafoue les convenances, et s'emporte devant la dame, elle le trouve bien moins détestable.

Je vais vous lai... Elle s'incline, élan stoppé net sous les cris du duc. Ébahie, presque, qu'autre chose que des balivernes de Dom Juan s'échappe de cette bouche si joliment dessinée. Amusée, aussi. Et l'ourlet carmin qui s'était entrouvert, béant de surprise, se ferme doucement, et s'évase dans un sourire.
Amusée.
Intéressée, peut être. Puisqu'il ressemble, très légèrement, au ton mesquin et farouche de son promis, lorsque ses amusements gamins l'énervent un peu trop.
Oh, pour sûr, le petit prétentieux révèle un aspect de sa personnalité qui lui échappait jusqu'alors. Comme quoi, ils ont quelque chose en commun, finalement...
Et elle renchérit, autant pour rabattre le caquet de ce valet par trop hautain, et dont les yeux renvoient sans détour son aversion pour elle, l'Hermine reprend, en écho blond :
Répondez donc !

En apprenant que s'agissait du Duc de Montsoreau je pars dans un franc éclats de rire.
Vous auriez pas pu commencer par là ?! Dîtes à Sa Grâce que le Duc de Brocéliande l'invite à passer la nuit ici. Et si je vous entends encore médire sur l'âge de Sa Grâce je vous fais battre.
Ah n'oubliez pas de prévenir les femmes de chambres pour qu'elles se préparent au Duc de Montsoreau.

Puis mon invitée en profite pour tenter de s'enfuir. Je l'en empêche donc:
Voyons, nous n'avons pas encore dîner. Vous êtes tellement affamées ? Suivez moi donc.

Et de proposer son bras

Il n'arrête jamais, c'est évident. Mène son monde à la baguette, claque les portes, hurle, et prend des mains comme de vulgaires objets dont le contact lui est nécessaire. Elle s'en dérobe donc, particulièrement exaspérée par son obstination à la tripoter sans relâche. Quoique la dernière en date lui incombe... Bref. Il est coupable, elle ne cherche pas plus.
Bordel, il va lâcher mon bras, ou zut ?
Ramenant sa main bien proche d'elle -faut pas pousser non plus- elle se justifie dans un sourire hypocrite, particulièrement malvenu de la part d'une invitée. Nettement plus compréhensible quand on sait que ce qu'elle veut, c'est quitter l'antre d'Hadès et rentrer chez elle.
Je vous remercie, mais ce n'est pas nécessaire. Je n'ai aucun mal à marcher seule.

Elle entendrait presque les hourras d'un public déchainé dans une salle de lutte. Blanche 1/Riwan 0.

Il recommence. La drague ouvertement, et elle essaye de calmer soigneusement ses hormones dont la tendance actuelle est de répondre à chaque sollicitation masculine. La faute à sa période pré-maritale. Ça vous retourne un organisme, l'idée d'épouser un barbare.
Tiens, en parlant d'organisme. Il se la pète en situant magistralement deux organes. Et en se plantant royalement.
Si il lui propose de jouer au docteur, elle lui file un coup de marteau à réflexe sur l'occiput, c'est décidé !
Mais là, elle se contente de sourire. Perséphone en mal de distraction.
Je vois que vous avez de sérieuses lacunes en anatomie, Riwan. -C'était intentionnellement, qu'elle avait omis toute forme de politesse.-
Elle se retourne alors, et improvise un cours-express.
Là, c'est l'estomac. Et elle appuie bien fort sous les cotes, remonte un peu. S'amuse de le voir, se demande s'il résistera à la tentation de lui vomir dessus. C'est sûr que ça ferait très classe, pour un Prince, que d'asperger ses hôtes d'une régurgitation ducale.
Tu as mal ? C'est normal. Envie de gerber ? Normal aussi. Hum... Agréable, ce retour alimentaire, non ? Tu le sens, qui remonte ? Nan, ouvre pas la bouche. J'ai les narines sensibles.
Et là, c'est le cœur.
Elle frappe sur les cotes. Pas trop fort, redoute trop qu'il lui fasse un procès pour coups et blessures.
Mais je ne suis pas encore sûre que vous en ayez un.